May 28, 2024
La planification du développement ou l'inversion des opportunités. François Ruffin

Le grand mot d'une certaine gauche, jusqu'à l'extrême, c'est "concertation". Pas "échange", pas "discussion". "S'entendre pour agir ensemble", c'est une belle idée. Mais les gens de pouvoir pilotent cette prétendue recherche d'entente en manipulant des idées suffisamment vagues (et peu importe qu'elles soient ou non fondées, vraies ou fausses), afin de pouvoir convaincre plus facilement les "concertés".

Ainsi, Ruffin propose, chez Ruquier, le 10 avril 2021, de décider du développement technologique "en concertation", pour savoir et choisir où nous allons. La belle affaire ! Alors, d'un coup, nous aurions les outils intellectuels pour planifier le développement de l'humanité, ou tout au moins un de ses aspects ? Alors que, précisément, les opportunités de développement technologique, intellectuel ou social sont issues de la recherche fondamentale et appliquée et des formes variées de création artistique ? Quand on a inventé la roue, qui débouchera inévitablement des siècles plus tard sur les véhicules à moteur, il aurait donc fallu en concevoir d'abord le concept, puis réunir tout le monde et décider si on l'adoptait ou non, sans être capable de prédire où cela nous mènerait ?

Prenons encore le transistor (le composant). Pouvait-on prévoir, au moment de son invention théorique, sur quelles incroyables technologies il permettrait de déboucher ? Qu'aurait-on pu décider par la concertation ? Et l'écriture, l'aurait-on acceptée, en sachant la haine qu'elle permettrait de diffuser partout sur la planète ?  Comment prévoir où le génie humain nous emporte, et comment pourrions-nous nous permettre de censurer les opportunités que nous offrent la recherche et la curiosité des êtres humains ?

Tout aussi terrible à constater est l'indigence intellectuelle et critique des animateurs et journalistes qui donnent la parole à des personnages publics, sans filtre autre qu'eux-mêmes et leurs équipes, qui ne sont là que par le succès qu'ils ont rencontré et non pour leurs compétences avérées. Aucune rigueur intellectuelle, aucun approfondissement, beaucoup de complaisance. En tout cas pour les émissions grand public. Les mots, les messages, les idées, tout est brouillé, on ne s'y retrouve plus, et tant qu'à ne plus faire d'effort, on boit la soupe que l'on sert. 

Faut-il encore s'étonner si cette gauche, qui a abandonné tout sens commun, n'intéresse plus grand monde ? Où est-elle cette gauche humaine, sensée, sensible et dotée d'un vrai sens critique ? Assez de discours creux, d'affirmations péremptoires, de prétentions en ces lieux de pouvoir où, malheureusement, l'intelligence - davantage encore que la compétence - n'est plus requise. Commençons à nous reparler et retrouvons le chemin de l'humilité, en aidant ceux qui n'ont guère pu choisir leur vie. Et puis, laissons-nous surprendre par ceux d'entre nous qui nous ont rendu la vie si belle, poètes, peintres, astronomes ou physiciens. Ne réduisons pas au silence ceux qui nous ont révélé le monde.

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