Beaucoup se cachent derrière leur intolérance au métissage culturel, pour mieux arracher aux peuples renationalisés l'assurance de leur allégeance au plus petit dénominateur commun. La nation renaît comme tribu, prête à mettre en pièce tout autre groupe, ou même individu, qui ne serait pas un clone et qui prétendrait pourtant fouler son sol sacralisé. Une promesse d'extermination, la certitude de l'anéantissement.
Le pire sans doute, c'est que cette histoire est vendue sous l'aspect d'un certain retour à une forme d'animalité brute, dont dépendrait la survie d'une espèce que l'on appelle nation. La haine comme ciment, l'ignorance comme rempart. L'animal a des prédateurs, l'homme a des ennemis. L'animal agresse pour survivre, l'homme agresse pour détruire ou subjuguer. Au final, il va nous rester le choix entre des sociétés qui répriment l'individu libre qui pense tout haut, et des sociétés aux couleurs de la démocratie gouvernées par des individus qui dirigent seuls, et entre eux à l'échelle planétaire.
Oui, sans doute le monde est-il meilleur qu'aux siècles obscurs des royautés et des empires absolus, temporels comme spirituels, mais le pouvoir que nous conférons aux uns et dont s'emparent les autres, continuera quand même à convaincre les élites qui leur sont attachés, d'approuver et de justifier, par tout moyen à leur disposition, y compris intellectuel, peut-être encore plus culturel, l'adhésion volontaire ou obligatoire aux modèles sociétaux qu'ils ont imaginés pour inventer leurs existences. "Pensez comme vous voulez, mais pensez comme nous". La vassalisation des esprits, qui passait jadis par celle des corps pour anéantir plus sûrement les âmes, fait son grand retour en démocratie.
En mettant fin aux débats entre oppositions démocratiques, en parachevant la normalisation de l'irruption des partis illibéraux, en adoubant le discours unique sur l'impossible alternative, les monarques républicains se montrent les alliés objectifs de l'ennemi qu'ils annoncent, pour nous inviter à porter nos voix sur leurs personnes. Il s'agit d'une servitude volontaire, par défaut sans doute, pour laquelle nous avons été conditionnés, en échange, ou pour le prix, d'une certaine tranquillité et de cette fameuse sécurité que tous promettent et que personne ne peut garantir, en raison même de la nature de la vie. Curieusement, le tyran est sans doute plus sincère que le président d'une démocratie !